Audemars Piguet - The brand will stop its engagement
L'Agefi - 22 juillet 2009
Coups durs pour Alinghi. Symbole et fierte nationale, le defi est lâche par des entreprises suisses de reference. Alors que le nouveau catamaran du syndicat helvetique a fait ses premiers essais sur le Leman, en vue du duel contre l'americain Oracle pour la Coupe de l'America, L'Agefi a appris que deux co-sponsors ne remonteront pas a bord. Il s'agit d'Audemars Piguet, societe independante, et de Nespresso, propriete de Nestle.
Du côte de Genolier Swiss Medical Network (GSMN), l'ancien partenaire officiel medical ne va pas donner suite aux sollicitations de l'equipage du president Ernesto Bertarelli, même si la porte reste ouverte. UBS, defection deja connue, a aussi renonce.
Soutien de longue date d'Alinghi, Audemars Piguet, manufacture horlogere vaudoise, ne va pas reconduire son partenariat dans le cadre de la 33e edition de la coupe, qui se resumera a un duel en multicoques entre le defender et BMW Oracle au mois de fevrier prochain. Au Brassus, siege de la societe, on declare diplomatiquement qu'Audemars Piguet «se retire de la competition pour se diriger vers de nouveaux horizons sportifs», tout en souhaitant bon vent et plein succes a Alinghi.
Les deux partenaires s'etaient associes en 2002. Une annee plus tard, le syndicat suisse se confrontait victorieusement au Team New Zealand et ramenait l'aiguiere d'argent en Europe, pour la premiere fois de son histoire.
Les victoires du defi suisse furent en tous points une tribune marketing et mediatique exceptionnelle pour Audemars Piguet, dont la notoriete a explose, notamment avec ses series speciales de gardetemps haut de gamme estampilles Alinghi. Le chiffre de 10 millions de francs etait evoque pour un contrat de co-sponsoring, auxquels il fallait encore ajouter plus ou moins le même montant pour l'organisation d'evenements annexes, la mediatisation du partenariat et le versement de royalties au syndicat suisse. «Nous connaissons tous la regle qui dit que pour un franc investi dans le sponsoring, il en faut un autre pour communiquer », nous avait confie il y a trois ans Georges-Henri Meylan, CEO d'Audemars Piguet, desormais membre du conseil. En 2000, l'entreprise de la Vallee de Joux etait deja devenue sponsor du premier challenger suisse de la Coupe de l'America, Be Happy. La societe etait toutefois impliquee dans la voile depuis la course autour du monde de 1985 et l'UBS Switzerland de Pierre Fehlmann.
Quoi d'autre ou what else, selon une publicite devenue celebre? Nespresso n'aura pas non plus son nom inscrit sur l'impressionnante bôme du nouveau catamaran Alinghi. A Paudex (VD), au siege de la filiale de Nestle, on indique simplement que le contrat signe pour la 32e edition est arrive contractuellement a echeance a l'issue des regates et qu'il ne sera pas renouvele pour les suivantes, selon Julian Liew, porte-parole. La tres rentable marque de cafe n'etait pas montee a bord lors de la premiere odyssee victorieuse. En 2006, une fois sur le pont, elle avait lance une machine a cafe, utilisant des materiaux propres au defender de l'America's Cup et qui s'est vendue a plusieurs milliers d'exemplaires. Pour celebrer la victoire suisse, la marque avait même edite une serie collector, uniquement 100 pieces, de sa machine «Le Cube».
Pour Alinghi, Audemars Piguet et Nespresso constituent le deuxieme et troisieme desistement de taille, apres celui d'UBS. Pour la 32e edition de la Coupe, la banque avait pourtant apporte pres de 50 millions de francs au syndicat, dont 20 millions uniquement pour le developpement du bateau suisse ayant concouru en 2007 a Valence.
La crise mais surtout l'imbroglio juridique et les incessantes querelles opposant Alinghi a Oracle semblent avoir lasse certains sponsors. Pour ne pas dire degoûte. Ce d'autant plus que les budgets ont explose entre la 31e et la 32e edition. Audemars Piguet avait deja hesite en raison de cette surenchere. Pour la campagne en cours, Alinghi a toutefois deja decroche des partenariats. On peut ainsi citer Odlo, fournisseur officiel des vêtements, ainsi que le fabricant de logiciels SolidWorks, Ansys (technologies et logiciels de simulation) ou encore le jurassien Wenger, specialiste du couteau suisse. «Des discussions sont en cours avec d'autres societes, en Suisse ou ailleurs, et certaines sont tres avancees. La mise a l'eau d'Alinghi 5 a relance l'interêt de plusieurs partenaires potentiels». explique le service de presse.
Des entreprises hesitent toutefois: «Nous avons besoin de savoir dans quelle direction la competition va avant de nous engager eventuellement», selon un cadre d'une entreprise interessee qui evoque comme point negatif la duree reduite (selon les derniers projets) de l'odyssee a venir et, de facto, son exposition mediatique moindre. Les incertitudes en ce qui concerne le port où se deroulera la bataille navale exacerbe aussi les reticences. Alinghi n'aurait toutefois pas revu a la hausse ses pretentions financieres. Pour un observateur, «tout commence a nouveau a bouger. Tres vite, l'emulation suscitee par le defi suisse repartira de plus belle et les sponsors pourraient se bousculer au portillon». La voile est donc encore et toujours consideree comme un sport prestigieux, vehiculant des images nobles et propres. Et c'est particulierement le cas de la Coupe de l'America, plus ancien trophee sportif au monde dont l'histoire et les mythes entretiennent aujourd'hui encore la legende. Les entreprises espereront toujours savourer les delices des retombees positives en termes d'image et si possible de ventes. Il faut simplement que cesse cette querelle de milliardaires. Le financement d'Alinghi n'en est pas pour autant en danger. Le patrimoine de la famille Bertarelli est estime a plus de dix milliards de francs par le magazine Bilan. On en saura peut-être plus le 8 août lors de l'annonce officielle du lieu de la future regate entre les deux geants des mers. (BBS)